Puisque les Français n’ont pas réussi à s’imposer sur l’Irlande, leur destin semble scellé. Pour la mise à mort en quart de finale, ce sont les All Blacks qui joueront les bourreaux en s’offrant une occasion de tracer définitivement un trait sur 2007 et 2011.
C’est vrai qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours français avant de l’avoir tué, seulement nos avants ont été bien trop malmenés face à l’Irlande pour nous laisser espérer quelque chose face à la meilleure nation du rugby à l’heure actuelle. Alors oui, nous sommes les vices champions du monde et donc en théorie les plus à même de remplir le contrat, mais la tache s’annonce ardue. Avec d’énormes difficultés dans les rucks, des faiblesses en touches et une mêlée fermée remise en question par le pack irlandais, les conditions lors de notre dernier match n’étaient pas vraiment idéales pour produire du jeu.
Sur le papier, il faudra un miracle pour tomber le monstre néo-zélandais. En pratique maintenant, nous Français sommes les rois lorsqu’il s’agit de sortir un énorme match de rugby là où personne ne nous attend, sans que personne ne sache comment (et en général d’ailleurs nous non plus). Il ne nous reste plus qu’à prier pour qu’on nous vienne une fois de plus en aide, parce que rappelez-vous, les dieux du rugby ont déjà été cléments par le passé; retour sur quatre rencontres qui ont marqué les esprits.
1999 : Le miracle de Twickenham
Nous sommes en demi-finale de la coupe du monde chez nos éternels ennemis anglais. C’est l’époque de Dominici, Galthié, Lamaison, Pelous… Mais aussi celle de Jonah Lomu pour les Blacks. Si vous ne le connaissez pas (ce qui semble fort improbable) sachez qu’il a été la terreur de nombreuses défenses tout au long de son règne, car c’est ce qu’a été sa carrière; une domination sans pareil.
Une des nombreuses vidéos rendant hommage au talent de Jonah Lomu
Ce soir-là, auteur des deux essais néo-zélandais, il a une fois de plus fait sa part et sûrement celle de deux ou trois autres de ses coéquipiers. Le scénario est simple: Lomu attrape le cuir, même pas en surnombre, même pas en fin d’alignement. Il se contente ensuite d’avancer ballon en main, il croise à peu prêt 8 Français avant d’aplatir tranquillement dans l’en-but. Quelques minutes plus tard, il nous ressert la même chose, sans trembler ni faillir, droit dans ses crampons.
Dans ce contexte, difficile d’imaginer la France victorieuse, alors qu’à 35 minutes, elle subit 24 à 10 et que Lomu semble une fois de plus inarrêtable. Pourtant, la révolte est là, elle gronde et bientôt Twickenham va en être témoin. Les bleus inscrivent la bagatelle de 33 points d’affilée en moins d’une demi-heure. On retient une envolée magnifique de Dominici qui juste avant de se faire rattraper par la patrouille transmet à Lamaison qui peut aplatir. En deuxième période, le numéro 11 fait une nouvelle fois des merveilles sur un coup de pied par-dessus de Galthié, il met les cannes et s’affranchit du dernier rideau défensif grâce à un rebond favorable.
La force ce soir-là, ce n’est pas simplement deux ailiers au-dessus des autres mais bien 15 bonhommes prêt à en découdre et qui ne lâchent rien. Pour être bon derrière, il faut dominer devant. Sans s’abandonner à leur sort, les bleus combattent et le miracle opère, 43-31, les Français sont en finale.
2011: L’amertume
C’est récent, et pour certains ce n’est pas encore digéré. Si vous êtes Français, vous êtes surement un peu chauvin et l’évocation du nom de Craig Joubert ne devrait pas vous plaire. Le 23 octobre 2011, les Français sont en finale, mais personne ne sait réellement pourquoi. Victimes d’une poule compliquée avec des All Blacks qui se sont facilement imposés 37-17, les bleus ne partent pas vainqueurs et pas grand monde pronostiquait leur présence à ce stade de la compétition.
De ce match, de mauvaise foi ou de raison, on retient l’arbitrage litigieux du Sud-Africain Joubert. Il lui est reproché notamment d’avoir été influencé par McCaw, réputé pour être spécialiste dans l’art de parler à l’arbitre. Il est trop tard pour refaire l’histoire et personne ne garantit que Trinh-Duc qui remplace Parra lors de la rencontre aurait fait sa part si une pénalité avait été sifflée.
Le Kapa O Pango est un haka fait par les joueurs Néo-Zélandais à l’occasion de grands matchs qui s’annoncent en général très âpres.
Le spectacle est cependant limité, le match est très serré, très contenu et difficile de dire si les deux équipes se neutralisent ou produisent simplement un piètre rugby. Toujours est-il que les instants les plus marquants de cette finale sont probablement les hymnes et le Kapa O Pango de début de rencontre.
2007: Surgis de nul part, les bleus sortent LE match de rugby
Les bleus sont sur sept défaites consécutives face aux Blacks. La dernière rencontre s’est terminée sur un douloureux 61 à 10 et pourtant le 6 octobre est pour le rugby français à marquer d’une pierre blanche. Le match s’annonce très intense dès l’avant match et les All Blacks nous gratifient d’un kamate des grands jours avec une réaction française tout à fait savoureuse.
Les Français viennent défier au plus près les Blacks
Le match en lui-même ne s’emballe pas vraiment, il y a de part et d’autre beaucoup d’envie, d’intensité et de combat. À la 67ème minutes, les bleus sont menés 18 à 13 et les commentateurs sont certainement aussi nerveux que tout un chacun derrière sa télévision. Les bleus pilonnent, chargent au ras et cherchent des intervalles. L’éclat de génie part finalement d’une mêlée fermée qui lance Damien Traille face à la ligne de défense néo-zélandaise. Il passe les bras et transmet immédiatement à Michalak qui met les cannes sur 30 mètres. Il fixe ensuite trois défenseurs avant d’offrir à son centre l’essai de la gagne. « Jauzion en terre promise ! » hurle Thierry Gilardi. L’essai est transformé, les Français mènent 20 points à 18.
Les Blacks ne se relèveront pas malgré une pression énorme. La possession sur le match est de 70% néo-zélandaise et les Français ont plaqué 197 fois contre seulement 47 pour leurs opposants. Le groupe de Jauzion, Betsen, Dominici, et Michalak, aura été héroïque jusqu’au bout.
1994: Le doublé en terre ennemie
Réaliser une tournée de tests matchs chez les Blacks et gagner une rencontre, ce n’est pas une mince affaire, mais alors remporter deux matchs d’affilée chez eux, ça relève du jamais-vu.
Le 26 juin, la France et ses solides avants viennent à bout 22 à 8 de Néo-zélandais pas vraiment en forme. Pour le groupe Black défait, la semaine est terrible. La presse se déchaîne, la pression sur leurs épaules est énorme et tous les entraînements se déroulent à huit-clos. Tout le monde imagine alors que, piqués dans leur orgueil les Blacks vont déclencher l’enfer sur terre pour leur deuxième opposition face aux Français. Il n’en est rien.
Sur 80 mètres pas moins de neuf Français vont toucher le ballon.
Les bleus tiennent le coup tout le long de la rencontre malgré une ardeur néo-zélandaise retrouvée. Il n’en faut même pas beaucoup pour que ce match soit une défaite puisqu’il faut attendre la dernière minute pour que les tricolores inscrivent ce que certains ont appelé l’essai du bout du monde, voire l’essai du siècle et l’emporte ainsi 23 à 20.
Crédit photo principale : Wikimedia – Sonya & Jason Hills