Arthur Friedenreich, histoire d’un footballeur brésilien, un métisse parmi les blancs
Une Perle Noire, un diamant avant l’heure, quoi de plus normal lorsque le sang brésilien et allemand coulent dans vos veines ? Seul hic au tableau, et pas des moindres, au Brésil le foot est alors une histoire de « riches », réservée aux seuls érudits blancs, les noirs et métisses n’ayant pas le droit de jouer en club. Au début du siècle exit donc les cadors des favelas, possibles ancêtres de Ronnie, d’Adriano, le foot est alors un sport de Kaká. Qui était Arthur Friedenreich ? Un précurseur, le meilleur buteur de tous les temps et un talent au service des avancées sociales.
Fried joue alors au club des immigrés allemands grâce à l’appui de son père allemand et ses traits proches des Européens. Le fossé social n’est pas pour autant franchi dans son intégralité : être autorisé à jouer et être accepté sont deux notions bien distinctes. Arthur décide de faire plus blanc que blanc, il lisse ses cheveux, se blanchit la peau. Le racisme est omniprésent, si bien que l’attaquant doit développer sa technique afin d’éviter les agressions des adversaires et l’indifférence des arbitres. Outre sa technique balle au pied, Fried se fait remarquer par les trajectoires de ses frappes; en effet il est alors le seul à donner un effet au ballon, le jeu de l’époque favorisant davantage les frappes coup de pied. Il fut également l’inventeur des feintes de corps, que d’autres rendront encore plus célèbre comme Stanley Matthews, des feintes dont le but était évidemment d’éliminer l’adversaire mais surtout d’éviter les coups.
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Il participera au premier match officiel de la Seleção en 1914 face au club anglais de Exeter City FC, le Brésil l’emporta 2-0, score qui reflète aussi le nombre de dents perdues par Fried lors de cette bataille English Style. Il se distinguera en 1919, lors de la 3ème édition de la Copa America, buteur insatiable, il emmènera les siens jusqu’au trophée, qu’il remportera 3 fois. La légende prend peu à peu forme, les surnoms aussi, « El Tigre » pour certains, pas tant pour son physique que pour sa combativité et son agilité, ou « Pe de Ouro », il est le premier serial buteur à passer la barre des 1000 buts, bien avant Pelé ou Franz Binder. Le racisme reste cependant un frein à sa carrière, une ombre qui le suivra tout au long des 26 années de carrière, l’empêchant de laisser son nom à tout jamais dans le foot mondial. En 1921, il est clairement le meilleur joueur brésilien en activité, mais l’Argentine refuse que des noirs/métisses foulent ses pelouses.
Son plus grand regret restera sûrement cette non participation à la coupe du monde. A 38 ans Fried n’est plus exactement ce qu’on appelle un perdreau de l’année, mais son niveau et son envie restent intacts. Cependant des magouilles internes aux différents championnats brésiliens l’empêcheront de participer à l’événement, une unique occasion pour lui de s’inscrire dans l’Histoire. Son nom et ses prouesses ont été oubliés par beaucoup sauf peut-être les inconditionnels d’O Rei Pele, puisque le nombre de buts inscrits par « El Tigre » indique une moyenne de buts par matchs plus élevée que son successeur. Meilleur joueur brésilien de tous les temps, Fried restera à jamais un pionnier, un résistant, un de ceux qui se sont dressés pour une égalité plus marquée avec les Blancs, il fut surtout le point de départ de plus d’un siècle d’attaquants hors norme, noirs ou métisses, Leonidas, Garrincha (sûrement le joueur le plus similaire à Friedenreich), Pelé et plus proche de nous Ronaldo.
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