Caractérisée par la pratique du sport à outrance, la bigorexie, ou dysmorphie musculaire, est lourde de conséquences pour la personne qui en souffre mais aussi pour son entourage. Décryptage d’une pathologie étrange mais moderne.
Le terme de bigorexie ne vous dit peut-être rien, mais vous connaissez sans doute quelques-unes des caractéristiques de ce trouble. Qualifiée de maladie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis septembre 2011, elle se définit par une dépendance au sport telle, que la personne concernée ressent un mal-être intense si elle ne peut pratiquer son activité sportive autant qu’elle le souhaite, ou plutôt autant que son mental le lui réclame.
S’il est de notoriété publique que le sport, pratiqué de manière modérée et régulière, comporte de nombreux avantages pour le corps et l’esprit, une pratique intensive, a contrario, est préjudiciable à tous niveaux. Comme pour toute addiction, la bigorexie a en effet un impact sur la vie sociale du sujet atteint, en plus d’avoir des effets néfastes sur sa santé physique et psychologique. Cette pathologie s’immisce de manière graduelle et peut concerner tout sportif assidu, de haut niveau comme amateur. Sa prévalence serait de 0,3 à 0,5 % d’après les chercheurs et les sports les plus concernés sont l’endurance et le culturisme. Quels en sont les prémices et les dangers à long terme ? Comment la diagnostiquer et la soigner ? Voici quelques éléments de réponse.
Compulsion sportive : une origine multifactorielle
C’est bien connu, le sport entraîne une libération d’endorphines, hormones à la structure moléculaire proche de celle des opiacés. En découle un sentiment de bien-être absolu, auquel les sportifs prennent goût. C’est sans doute l’une des premières raisons qui peuvent en conduire certains au surentraînement, car ils recherchent toujours plus de plaisir.
Cette notion de plénitude va de pair avec un ou plusieurs autres facteurs, qui pointent du doigt un problème profond : quête de la perfection (devenir toujours plus mince, plus musclé…), volonté de repousser ses limites et par extension, d’avoir une meilleure estime de soi, besoin de combler un vide affectif ou de diminuer son anxiété, etc. Les personnes sujettes à des troubles alimentaires tels que la boulimie ou l’anorexie peuvent également être touchées. Au final, le bigorexique perd le contrôle de sa vie et le cercle vicieux s’installe.
Crédit photo: Flickr – Kenny Pierrelus
Risques et conséquences de la dépendance au sport
Le quotidien d’un bigorexique étant quasi exclusivement rythmé par la pratique du sport, des problèmes relationnels avec l’entourage familial, amical et professionnel peuvent survenir. Selon le degré d’accoutumance, la bigorexie peut même conduire vers l’isolement. Le corps s’essouffle lui aussi. L’épuisement allant crescendo, les risques d’infarctus, de déchirures aortiques, d’entorses, de déchirures musculaires et autres fractures s’accroissent eux aussi. Des blessures qui sont entretenues et qui s’empirent par l’activité sportive, poursuivie malgré la douleur.
Il n’est pas rare non plus d’assister à des addictions supplétives dans le but de retrouver une certaine sensation de bien-être (drogues diverses), d’augmenter ses performances (produits dopants) ou de développer sa musculature (stéroïdes anabolisants). D’un point de vue psychologique, les conséquences ne se font pas non plus attendre : la dépression et les angoisses guettent et se greffent à ce tableau clinique déjà bien chargé.
Diagnostic et solutions
La bigorexie relève d’un comportement autodestructeur et la personne est bien souvent dans le déni, comme c’est le cas pour une grande majorité de dépendants, tous troubles obsessionnels confondus. Ce sont surtout les proches qui sont à même de tirer la sonnette d’alarme, constatant que la personne s’isole de plus en plus, néglige des tâches du quotidien ou met de côté ses projets. Il convient alors d’ouvrir le dialogue avec elle sans la juger et de l’orienter vers son médecin traitant, qui est souvent l’intervenant clé. Celui-ci pourra conseiller un suivi pluridisciplinaire à son patient et le diriger vers les structures adaptées.
Ce suivi se doit d’être personnalisé, compte tenu du fait qu’il n’existe pas de profil type. Il intègre systématiquement une thérapie comportementale et cognitive (TCC), pour réapprendre à retrouver du plaisir autrement qu’en pratiquant du sport. Ce dernier ne doit bien entendu pas être stoppé mais progressivement réduit, et faire l’objet d’une diversification et d’une pratique communautaire. D’autres professionnels interviennent dans le processus de guérison, parmi lesquels psychologue ou addictologue, et si besoin nutritionniste. Un traitement médicamenteux peut également être nécessaire.
Pour éviter de tomber dans l’excès, il est capital de garder à l’esprit que le sport doit avant tout rester un moment de détente et de convivialité. Il ne doit en aucun cas être une contrainte et prendre le pas sur la vie quotidienne.
Crédit photo principale : Flickr – Tom Woodward