Horatio Stratton « Raich » Carter, histoire d’un footballeur anglais effrayé par la guerre
Les anecdotes de ses contemporains nous rapportent que Raich Carter ne jouait pas les matchs, il les présidait. Il fut un de ces joueurs qui réinventa le football aussi longtemps qu’il foula les vertes pelouses d’Angleterre. Stanley Matthews, autre légende anglaise parlait de Carter comme le « supreme entertainer », Charlie Buchan premier héros de Sunderland le décrivait comme le plus grand ailier de sa génération. C’est aussi de ce rôle de légende vivante que viendra la controverse, un footballeur talentueux qui n’aspirait pas à se retrouver au front.
Raich Carter était promis à un avenir radieux, meilleur élément du centre de formation de Sunderland, il rata son premier essai à Leicester City, trop chétif physiquement et psychologiquement; en même temps, à 14 ans, difficile d’avoir un physique de Ronaldos. Mais les vrais footballeurs savent que la marche entre futur prodige et vrai machine de guerre est la plus large à franchir. Finalement signé à Sunderland, après avoir fait ses preuves aux étages amateurs où il excella aussi comme électricien, ce fut alors l’âge qui agit comme un frein à sa carrière, ses excellentes prestations en remplacement de Patsy Gallagher ne lui offrant aucun passe-droit sur les anciens. Les éloges de la presse ne favorisèrent pas sa titularisation, malgré les élogieuses colonnes du Sunderland Echo, rédigées ni plus ni moins que par Charlie Buchan, l’idole du jeune Carter, alors reconvertit en journaliste.
La saison 1932/1933 tourna à la démonstration du jeune ailier droit, titulaire indiscutable avec 29 apparitions en Premier League, et un salaire de 30 livres par mois, 60 fois plus que le salaire d’un électricien à l’époque, déjà un bon plan le foot. Les années suivantes furent la consécration totale pour Raich Carter, second de Premier League en 1934/35, régulièrement appelé par les Three Lions, notamment lors d’une brillante victoire 2-1 face à l’armada hongroise. Figure plus qu’emblématique de Sunderland, son plus grand triomphe naquit pourtant sur une tragédie : durant la saison 1935/36, Alex Hastings blessé, Carter obtint le brassard de capitaine et mena les siens à une fantastique et impensable victoire finale. L’équipe fut en effet terriblement affectée par la mort de James Thorpe, survenue après un choc brutal avec l’attaquant de Chelsea Billy Mitchell en février 1936. Démoralisée, traumatisée, l’équipe se relèvera suffisamment tôt pour ne pas perdre le titre, établissant au passage, pour la première fois en Angleterre, un record de plus de 100 buts sur une saison.
Raich Carter, Hull City, 1950 – Crédit photo: Pinterest
La gloire post-carrière dont aurait dû profiter Raich Carter fut ternie par son effacement relatif aux premiers jours de la seconde guerre mondiale. Un joueur de son statut est déjà à l’époque un référent au sein de l’opinion publique, une voix écoutée mais surtout attendue. Les critiques commencèrent lorsque Raich Carter annonça son incorporation au bataillon de pompiers de Sunderland, facile d’y voir la volonté pour lui de ne pas être enrôlé surtout qu’il termina la guerre comme « préparateur mental » à la Royal Air Force, s’occupant principalement de célébrités, autrement dit bien au chaud. La guerre terminée, l’aura du grand Carter s’était considérablement affaiblie, mais lui, le simple joueur de football poursuivit sa route, il quitta Sunderland pour Derby County, laissant aux fans des Black Cats les seuls souvenirs de ses 118 buts en 245 matchs. L’homme était peut-être trouillard pour l’époque, surement humain de nos jours, un joueur qui rentra dans l’histoire conne étant le seul joueur anglais à remporter la FA Cup avant- et après-guerre, un exploit déjà héroïque en soi. Il termina sa carrière à Hull City comme joueur/entraineur, après un transfert record de 6000 livres, les prémices du football business en Premier League.
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