René higuita, histoire d’un joueur colombien, un scorpion aux narines pleines
Higuita, René de son prénom est un immense symbole en Colombie : emblème de la Selección de los Cafeteros durant de nombreuses années, il est le reflet de ce pays trop méconnu, trop englué dans les clichés d’un passé peu glorieux : gardien de génie, il connut la prison, la drogue, le roi de la dope Pablo Escobar, puis écrivit l’histoire du football mondial en violant toutes ses règles (et un certain Jamie Redknapp au passage) avec le fameux «coup du scorpion». Histoire d’une vie, celle d’el Loco.
Un professionnel irresponsable
Le jour où René se retira de la sélection nationale colombienne, ce fut un jour de soulagement pour un pays qui compte 40 millions de fans acharnés et dévoués tout particulièrement au ballon rond. Un jour de repos car il est vrai qu’El Loco était capable de tout sur un terrain, capable de partir bille en tête et de se retrouver au milieu de terrain, capable de gestes incroyables qui lui venaient en rêve et que lui, dans sa folie ordinaire, essayait de reproduire sur le terrain. Higuita était surtout un sportif hors du commun, un professionnel pris dans la tourmente de son époque, le narcotrafic ayant alors mis la main sur le championnat national, chaque cartel disposant de son équipe et d’une flopée de billet pour la mener au succès.
Déjà le René ne mesurait qu’1,70m, et même si c’est la taille réglementaire en Colombie, nous sommes forcés de constater qu’il lui serait difficile d’évoluer au poste de gardien à notre époque. D’ailleurs il n’existe plus de joueurs comme lui, des irresponsables, qui préférait les vapeurs de la villa de Pablo Escobar aux terrains d’entraînement, et ce même si pour certains et pour lui-même, Balotelli fait figure de trublion : le jeune italien n’est rien d’autre qu’une marque qui tente d’exister à défaut de marquer les esprits et les terrains de foot. Contrairement à René Higuita.
Pour le meilleur et pour le pire
Et si René avait pu faire preuve de discipline, seules les forces célestes seraient capables de se prononcer sur sa carrière potentielle : pour lui le football n’était qu’un jeu, un amusement sans travail ni effort. Mais s’il avait été aussi lisse et poli que le sont les gardiens de but actuels, quid des intrépides sorties dans les pieds de la Panzer division Klinsmann/Voller durant la Coupe du Monde en Italie ? L’Atletico Nacional (les verts version Medellin) aurait t-il remporté son premier trophée continental si El Loco n’avait pas stoppé 4 penaltys en finale ? Et surtout comment le monde entier aurait-il pu assister au coup de folie/génie suprême, le seul et unique crime de lèse majesté, le Scorpion réalisé à Wembley face à l’Angleterre ???
A chaque fois qu’il sortait de ses buts (et oui Neuer n’a rien inventé, loin de là!), peu importait l’attaquant, qu’il se nommât Lineker, Maradona ou Careca, René sortait victorieux. Il n’a jamais failli. Ah si, une fois, et en huitième de finale d’une coupe du monde, un boulet qu’il a porté tel un fardeau jusqu’à la fin de sa carrière en 2010 : le tout-puissant Higuita affrontait ce jour-là le Cameroun, et dans un énième excès de confiance perdit le ballon, tandis que Roger Milla en terminait avec les illusions de tout un pays. El Loco était humain avant d’être fou.
Je crois que nous avons tous un petit quelque chose de fou, parce que si nous prenons la vie trop au sérieux, nous sommes déçus. Je crois que toutes ces choses que nous vivons avec folie sont celles qui nous donnent l’envie même de vivre. René Higuita.
Crédit photo principale : whoateallthepies.tv