Rafael Moreno Aranzadi, histoire d’un footballeur espagnol, du mythe à la postérité
Le championnat espagnol touche bientôt à sa fin et, s’il est probable que le Barça emportera ce nouvel exercice, les deux monstres de la Liga jettent leurs dernières forces dans ce qui fait figure de lutte dans la lutte, le trophée de Meilleur Buteur, le fameux Pichichi.
Créé par le journal sportif Marca, ce titre fait directement référence à un légendaire attaquant basque officiant à l’Athletic Bilbao, qui martyrisait avec brio les défenses, au tout début du XXème siècle. Le nom de Pichichi est passé à la postérité mais le mythe du joueur Rafael Moreno Aranzadi tend à disparaître, sauf peut-être à Bilbao où un buste du joueur est installé depuis 1926 devant l’enceinte de San Mamés; buste auprès duquel les équipes ont coutume de déposer une offrande florale, lorsqu’elles foulent la pelouse basque pour la première fois.
Naissance d’un héro basque
La glorieuse ascendance du Pichichi était déjà un signe annonciateur d’une belle carrière puisqu’il est lié directement à l’anthropologue Teodoro Aranzadi et surtout au grand penseur/philosophe/écrivain Miguel de Unamuno. Très jeune, Rafael Aranzadi se distingua balle au pied, un talent qu’il exerçait dans les cours de collèges, brimant les camarades-adversaires des institutions scolaires voisines. Ce serait à cette époque que le surnom de Pichichi lui fut octroyé, une dénomination affectueuse que lui aurait donné ses collègues en culottes courtes.
Si ce terme ne signifie rien en tant que tel, il est possible de rapprocher cette terminaison d’un vocabulaire espagnol existant comme «pichón» ou «pichun», une terminologie faisant référence à un individu de faible stature. Certaines sources évoquent la naissance de ce surnom via un recruteur de Bilbao, qui passant près d’une cour d’école resta bouche-bée face au talent du jeune prodige; ne sachant pas comment appeler le gamin, il le nomma « pichichi ». La magie de l’histoire rapporte une troisième version, peut-être la plus plausible, à savoir que c’est le public assistant aux premiers émois footballistiques du jeune Aranzadi, qui l’appela ainsi.
Crédit photo: Zuri Gorri
Vie et mort d’un mythe
Si l’histoire a altéré le pourquoi du comment, il est toutefois intéressant de constater que le gamin faisait déjà beaucoup parler de lui, et ce avant même d’intégrer l’équipe première de Bilbao, chose faite en 1910. Acclamé par ses pairs, les écrits et paroles de l’époque nous donnent la certitude que ce début de siècle donna à voir un prodige sans commune mesure : ouvertement nommé meilleur joueur d’Espagne, Rafael Aranzadi était doté d’une frappe de balle foudroyante, capable de passer en revue l’équipe adverse sans cligner de l’œil, avec une conduite de balle que nous qualifierions maintenant de «messiesque».
Le Pichichi fut le premier buteur de la Cathédrale de San Mamés, le symbole vivant d’une glorieuse époque pour Bilbao et pour l’Espagne, puisqu’il apporta une médaille d’argent à son pays, la première de son histoire, lors des Jeux Olympiques de 1920 à Anvers.
Cette compétition fut son Chant du Cygne, le joueur abandonna sa carrière l’année suivante, pour finalement s’éteindre en 1922; comme les mythes ne peuvent par définition s’éteindre, le Pichichi eut le droit à un ultime hommage du peuple basque, une messe dans l’enceinte même du stade, pour qu’à jamais son aura et sa virtuosité guident les joueurs dans l’adversité.
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