José Ribamar de Oliveira, l’histoire d’un joueur brésilien, un droitier gaucher
Canhoteiro fait partie de la caste des joueurs oubliés, de ceux dont les exploits passés semblent à jamais ensevelis sous la poussière. Bien avant que l’Histoire ne retienne les noms de Pelé, Zico, Garrincha, Sócrates comme des pionniers, des précurseurs, d’autres joueurs ont participé à la formidable évolution du football brésilien. Ce fut le cas de Friedenreich, Leonidas, Zizinho ou encore de Canhoteiro, un maître feinteur qui donna ses lettres de noblesse au Joga bonito, le « Garrincha de l’aile gauche » posa la première pierre d’un football moderne. Focus sur une légende.
Tu seras médecin mon fils
Comme de nombreux brésiliens, le petit José a fait ses classes dans la rue, dans la petit ville de Coroatá, où il distillait feintes et frappes imparables d’une manière encore jamais vue. Tous les observateurs de l’époque appuient cette idée que le jeune Canhoteiro était impressionnant balle au pied, une virtuosité presque intrigante. Et il n’y a pas que cela. Son surnom de Canhoteiro est déjà pour le moins surprenant. En brésilien, le terme de « canhoto » désigne une personne gauchère, laissant donc supposer que le footballeur était gaucher, mais il est aujourd’hui certain qu’il était en fait droitier. Le sobriquet de « petit gaucher » lui a été accolé durant son enfance, alors qu’il rêvait de parcourir son quartier balle au pied, son père avait d’autres intentions pour son fils. Il voulait que le Canhoteiro soit médecin. Quels parents ne le souhaiteraient pas ? Alors pour l’empêcher de s’extirper de la maison pour taper dans le ballon, son père lui attachait le pied droit à la table afin de l’obliger à étudier. En vain, le garçon utilisa son pied gauche pour assouvir sa passion.
Crédit photo: São Paulo F.C
Déjà un profil… brésilien
À l’âge de 21 ans, Canhoteiro n’avait toujours pas percé, par contre son nom commencé à circuler comme musicien. Passionné par la musique et la fête qui va bien avec, il jouait notamment du violon pour gagner sa vie dans un groupe, occupation qu’il partageait avec le football et des matches disputés pour des équipes régionales. Même dans ces divisions inférieures, le talent du droitier contrarié ne pouvait rester muet, illuminant les dimanches des hinchas d’El Paysandu et tapant dans l’œil d’un recruteur de São Paulo. Son rêve était sur le point de se concrétiser. Là, il devint une véritable légende, une idole pour le club, faisant jeu égal avec le Santos de Pelé, voire surclassant Santos comme lors de cette saison 1957, où São Paulo semblait avoir atteint un état de grâce avec ses deux stars Canhoteiro et Zizinho. Tellement fort le José qu’il demandait parfois à ses coéquipiers de ne pas lui passer le ballon, un geste d’amour envers l’adversaire pour lui éviter l’humiliation.
Seule ombre au tableau sa non-participation à la Coupe du Monde 1958 en Suède; Canhoteiro n’apparaît pas sur la liste des convoqués, malgré une brillante participation à la qualification et son statut d’idole au Brésil. C’est un certain Mario Zagallo qui est retenu à sa place. La presse de l’époque parle alors d’une phobie des avions (le footballeur l’avait pourtant pris de nombreuses fois), ou encore d’un style de vie trop bohème. Il est vrai que Feola, son entraîneur à São Paulo en 1956, raconta de nombreuses fois comment il partait à la recherche de Canhoteiro dans les discothèques brésiliennes, lieu de prédilection du (des) brésilien(s), lieu dans lequel Canhoteiro aimait se rendre déguisé. À partir de cette Coupe du Monde, Canhoteiro ne sera plus jamais convoqué en équipe du Brésil.
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