Histoire d’une équipe colombienne qui dansait sur le monde: le Millonarios Fútbol Club de Bogotá
La simple évocation d’el Ballet Azul éveille en chacun de nous des images; sitôt la danse associée à la sueur et la rugosité du football, tel qu’il pouvait l’être au début des années 1950, ce nom de « Ballet Bleu » fait naître l’esthétisme. Mais concrètement de quoi parle-t-on avec ce Ballet Azul ? On parle de la Colombie, terre de café et de femmes incroyables, mais aussi terre de football avec l’époque de l’El Dorado. Pour certains argentins, cet El Dorado fut beaucoup plus qu’un rêve, matérialisé dans le club des Millionarios de Bogotà. Et cette équipe fut en toute modestie la meilleure du monde aux côtés de la Máquina de River Plate et des Hongrois de l’Honved.
Une équipe d’artistes
En effet, l’équipe des Millonarios n’avait pas grand-chose à envier aux autres cadors de la scène football, son cœur composé en majorité d’Argentins pourrait légitimement se comparer aux meilleurs effectifs de l’histoire: Di Stefano, le futur magicien de Madrid, Pedernera et Rossi, deux anciens piliers de la non moins célèbre Máquina de River Plate, Alcides Aguilera, un talentueux uruguayen, le tout mené par la baguette d’un certain Hector Scarone, idole de tout un pays pour avoir mené l’Uruguay à la victoire lors de la Coupe du Monde 1930.
Tous vêtus de bleu, les artistes entrent sur la piste de danse au Campín de Bogotà, en janvier 1948, pour participer au premier grand tournoi international d’Amérique du Sud, qui réunissait la crème de l’époque avec River Plate justement, Vélez Starfield et Santa Fé, l’autre équipe de Bogotà. Ce fut le début d’une prestigieuse époque, remplie de titres et de légendes.
Di Stéfano est deuxième en partant de la gauche – Crédit photo: El Mundo
Pas plus de cinq buts par match
De nombreuses anecdotes courent sur la légendaire équipe colombienne, comme celle qui prétend que les joueurs se seraient mis d’accord entre eux pour ne pas marquer plus cinq buts à leurs adversaires. Ils devaient alors se contenter de faire tourner la balle sans chercher le but. En octobre 1949, lors d’un Clásico face à l’autre équipe de la capitale, les Millionarios mènent déjà 5 à 3 lorsque l’attaquant péruvien Ismael Soria brisa la sainte règle et marqua ce sixième but. Face à la virulence de ses propres coéquipiers et à la polémique grandissante dans la presse locale, Soria dû s’excuser. On ne plaisante pas avec la danse en ce temps. Mais briller dans le championnat colombien n’est pas suffisant pour décrire une équipe comme la meilleure du monde : seule la beauté du jeu, la domination des adversaires les plus prestigieux peuvent faire entrer un club dans l’histoire.
En 1951, Millonarios devient peu à peu cette équipe. Ses exploits sur toute la surface du globe témoignent de cette fameuse danse qui donnait le tournis aux adversaires: partout l’esthétisme du football des Millonarios est loué, Pedernera salué comme le chef d’orchestre et maître à penser de l’équipe. Sur les 34 matches de l’année 1951, les Bleus en auront perdus seulement deux, pour 98 buts marqués et les têtes accrochés au tableau de chasse sont impressionnantes : River, Flamengo, Peñarol, Rapid de Vienne, Everton, Spartak Moscou, Real Madrid, MTK. Sans oublier les quatre championnats colombiens et la Coupe du Monde des Clubs. Face à l’oubli, un hommage semblait obligatoire.
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