Fritz Szepan, l’histoire d’un joueur allemand, une étoile occultée par le Reich
Fritz Szepan, fils d’un immigré Prussien, fut certainement le meilleur joueur allemand d’avant-guerre, aux côtés de son beau-frère, le tout aussi étincelant Ernst Kuzorra. « Fritz le Blond » était à la tête d’une équipe redoutable et redoutée par son jeu fait de passes courtes et rapides, une équipe dont le succès ne résidait que sur un élément majeur: le mouvement, individuel et collectif. Une philosophie de jeu qui, nous le savons aujourd’hui a fait les beaux jours de nombreuses équipes, dont un certain FC Barcelone pour ne citer que le plus récent.
Face à cela, il y a la situation que nous connaissons tous. Le sport, tout comme la société allemande, et peu à peu l’Europe vont se mettre au pas du Reich allemand, le football n’est alors qu’un pion sur l’échiquier nazi. Fritz Szepan, le Beckenbauer d’avant-guerre (plus pour la versatilité des postes occupés, Szepan a très peu joué en défense) nous rappelle cette face obscure du football, le talent mis sous tutelle.
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L’homme du « flipper » de Schalke
Friedrich Hermann Szepan est un pur produit de la Ruhr, en dépit de ses origines prussiennes, il naît dans la ville de Gelsenkirchen, en Allemagne, et passera la totalité de sa carrière dans le club de la ville, le FC Schalke 04. Sa carrière professionnelle avec l’équipe première débute en 1925, après neuf années passées à terroriser les équipes de jeunes. « Le Blond » peut jouer à peu près partout, preuve de son immense talent, il est souvent associé à un ailier, mais le plus gros de son talent s’exerce clairement au milieu de terrain. Pourquoi ? Tout simplement car l’ami Szepan est plutôt lent. Une lenteur qu’il compense, comme tous les grands joueurs, par une exceptionnelle vision de jeu et une virtuosité balle au pied, que je qualifierais de prodigieuse, étant donné la réputation du jeu allemand de l’époque, plutôt viril.
Il emmènera son équipe tout en haut, gagnant par six fois le championnat allemand, une domination sans partage entre 1934 et 1942, où le football déjà, n’était plus que le fantôme de lui-même. Au niveau international, Szepan éclaboussait les rencontres de sa grâce, et du fait de l’impressionnant succès de Schalke, il en devenait le leader naturel. Ainsi l’équipe d’Allemagne bénéficiait à la fois de joueurs de grands talents mais surtout d’un plan de jeu, celui du club victorieux de la Ruhr.
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Le Beckenbauer du nazisme
Et oui, pas facile de jouer avant et pendant la guerre tout en ayant les mains propres ! Et même si cela n’enlève rien à son talent. Comme il est toujours plus facile de juger a posteriori, je vais essayer de m’en tenir aux faits. Fritz Szepan est la star du football allemand d’avant-guerre, une star qui bénéficie d’une bonne image en Allemagne, une aubaine pour le Reich qui cherche à être numéro 1 dans tous les domaines. Il sera l’une des figures de proue sportives d’Hitler, participant à la propagande par sa seule présence.
Szepan fera partie de l’équipe « unifiée » d’Allemagne : l’Autriche voisine est annexée en 1938, l’opportunité pour le Reich d’annexer aussi ses joueurs. La Wunderteam autrichienne est peut-être alors l’équipe la plus forte au monde et elle se chargera de le rappeler aux Allemands lors d’un match amical qui suivit l’Anschluss. Une star en Allemagne qui aura également l’occasion de mesurer la côte de popularité de son équipe marquée du sceau de la Swastika en 1942 lors de la Coupe du Monde en France. Le Parc des Princes raisonne encore des sifflets de ce jour.
Et puis la guerre s’est achevée, les langues se sont déliées, les archives se sont ouvertes, et le passé de milliers d’Allemands a été épluché. Celui de Szepan est le même que de nombreux Allemands. Il a profité du parti d’Hitler et de ses mesures, notamment celle contre les Juifs. Ces derniers, chassés, perdaient ou abandonnaient leur commerce, souvent rachetés par de simples citoyens comme Szepan. L’enrichissement personnel est une forme de collaboration qui lui coûte certainement la reconnaissance à travers les âges, comme celui d’avoir une rue à son nom près de sa maison, le stade de Schalke.
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